1 mai 2020

Comment aider une victime de violence

Violence, harcèlement, viol, voici des crimes qui n’ont pas cessé même avec l’arrivée de cette pandémie qu’est le Covid-19. Une victime est coincée avec son bourreau à la maison à sa merci : qui va l’aider ?

Je me rappelle de cette fameuse histoire récente de cette jeune fille qui est tombée du 3e étage de son immeuble à Yopougon Abidjan en Côte d’Ivoire. Une vidéo circulait sur les réseaux sociaux, l’on voyait son mari qui la tenait mais elle a tout de même chuté, heureusement elle est sortie saine et sauve. Les voisins ont signalé des violences conjugales, la femme a nié tout en bloc et a affirmé que son homme volait à son secours car elle avait confondue la porte avec le balcon…

La victime a du mal a signaler son bourreau, pourquoi ? La victime n’ose pas parler et va même jusqu’à cacher ce qui lui ai arrivée et supporter la douleur seule.

Le second sujet sur ma page Facebook était intitulé : COMMENT AIDER UNE PERSONNE VICTIME D’HARCELEMENT, DE VIOLENCE ET DE VIOL ?

Hello chers tous! J'espère que vous démarrez bien cette semaine. On le sait tous les victimes sont de plus en plus…

Publiée par Tchewôlô le blog sur Mardi 21 avril 2020

Tous les intervenants sont unanimes : pour aider quelqu’un, il faut que cette personne accepte d’être aidée.

Pour la synthèse de ce sujet, j’ai fait appel à cette magnifique femme leader, médecin, conférencière, écrivaine, la docteure Aminata Kane. Elle nous a fait un récit bien détaillé et très instructif.  

Dans la peau d’une victime de violences…

Les paragraphes suivants traitent frontalement de la question du viol et ne sont donc pas adaptés à tous les lecteurs ou toutes les lectrices.

K., 24 ans, rentrait chez elle lorsqu’un taxi s’arrêta à son niveau. Il y avait déjà à son bord trois hommes, le conducteur et deux autres personnes. Rien ne laissait présager de ce qui arriverait… Le trajet se passait sans encombres jusqu’à ce qu’elle réalise que ses compagnons de route avaient pour elle d’autres intentions… Les portières ont été condamnées, elle était prise au piège.

Après avoir été dépouillée de tout ce qu’elle avait comme biens, les hommes ont décidé de s’offrir une récompense, son corps. Ce jour-là, voyant qu’elle avait ses menstrues, deux des trois hommes renoncèrent mais pas le troisième qui la viola avant de la laisser pour morte en bordure de chemin…

Quand elle reprit ses esprits, K. rentra directement à la maison sans rien dire à personne. C’est à son comportement que son patron se douta que quelque chose de grave s’était passé. Acculée, elle finit par lui raconter…

Dame X. était infirmière dans son pays, elle s’occupait des femmes dans sa communauté. Lorsque la guerre éclata, son village fut pris d’assaut par des hommes en armes, elle était alors enceinte de 6 mois. Dans un témoignage aussi glaçant qu’effroyable, elle racontera comment elle a été violée par plusieurs hommes avant de recevoir dans ses entrailles un bâton puis éventrée. Malgré tout, elle survécut à l’horreur de son viol…

F. était de ces jeunes filles dites faciles. Elle couchait avec le premier venu. Elle ne triait pas, les frères et même les conjoints de ses amies faisaient partie de ses conquêtes. Elle a été abusée par le nouveau mari de sa mère depuis sa classe de CE2 jusqu’en classe de CM2. Son beau-père lui avait dit que ce serait un secret entre eux et qu’elle était sa petite femme. Rentrée du marché plus tôt que prévu, sa mère les découvrira… Elle décéda six mois plus tard… À F., il a été dit : « Tu as séduit le mari de ta mère ! C’est toi qui a tué ta mère ! » Elle n’avait que 10 ans et n’a jamais eu l’opportunité d’expliquer quoi que ce soit…

Les femmes, victimes systématiques de violences basées sur le genre

Il ne se passe pas un jour sans qu’une femme ne soit violentée. Le viol des femmes et des enfants est utilisé comme arme de guerre. Les chiffres de l’agence des Nations Unies pour la Femme font froid dans le dos.

35% des femmes dans le monde ont subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime ou des violences sexuelles de la part d’une autre personne (sans compter le harcèlement sexuel) à un moment donné dans leur vie. Ce chiffre va jusqu’à 70% dans certains pays à l’échelle nationale. Les données montrent également que, chez les femmes qui ont été victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint, les taux de dépression sont plus élevés.

Chaque jour en moyenne dans le monde, 137 femmes sont tuées par un proche.

Plus de la moitié (51%) des victimes de trafic d’êtres humains dans le monde sont des femmes adultes. Les femmes et les filles représentent 71% des victimes, les filles seules comptant pour près de trois victimes sur quatre du trafic d’enfants. Près de trois femmes et filles victimes du trafic d’êtres humains sur quatre le sont à des fins d’exploitation sexuelle.

S’il est vrai que les hommes ne sont pas en marge de ces violences, les femmes demeurent les victimes les plus nombreuses.

Ces violences ne touchent pas que des adultes. Les enfants ne sont pas épargnés. En effet, une étude réalisée par l’ONG SOS Violences Sexuelles sur les violences sexuelles en milieu scolaire dans le district d’Abidjan en 2002 révèle que la prévalence des abus sexuels (viols, tentatives de viol, attouchements et harcèlement) au sein de la population scolaire soumise à son étude est de 27,2% ; plus de 10% des attentats à la pudeur sont réalisés dans un environnement scolaire ; plus de 15% d’entre eux sont perpétrés par des camarades de classe ou  du même établissement et 4% par des enseignants.

Être à l’écoute, mode d’emploi

Si les conséquences physiques de la violence sous toutes ses formes sont indéniables, celles qu’il faut le plus craindre sont les conséquences psychologiques. Au traumatisme physique s’ajoute le traumatisme émotionnel, psychologique. Pour mieux y répondre, il faut comprendre ce qui se passe dans la tête d’une victime de violence.

La victime d’une violence peut avoir plusieurs émotions et réactions. Ce sont entre autres :

  • Le déni ;
  • La culpabilité ;
  • La dépression pouvant aller jusqu’au suicide ;
  • Les mutilations comme se raser les cheveux, s’ouvrir les veines, se scarifier ;
  • Les délires ;
  • L’agressivité, l’hystérie ;
  • L’amour pour le danger ;
  • La peur de sortir seule, la peur des hommes, la peur du noir

Tout changement soudain, inhabituel dans le comportement d’une personne doit vous mettre la puce à l’oreille comme par exemple un enfant extraverti qui devient subitement introverti, un enfant sans histoire qui subitement plonge dans des travers comme la drogue, le tabagisme, la fréquentation de groupes d’amis peu recommandables, l’enfant qui fuit à la vue d’un tonton, qui refuse de le saluer, une femme qui change de chemin quand elle croise le chemin d’un homme, le regard qui fuit, les tremblements, la transpiration, en un mot, tout geste qui trahit un état de stress et de peur que vous n’aviez pas l’habitude d’observer chez la personne.

Convaincre

Que la victime soit un homme ou une femme, un enfant, un ado ou un adulte, c’est une VIC-TIME donc une personne qui a besoin d’aide, une personne en souffrance qui peut le montrer ou qui peut aussi très bien le cacher en fonction de sa personnalité, son éducation, ses expériences.

Vous pourrez rapidement être submergé d’émotions, rentrer dans une colère noire ; parfois même, vous aurez envie d’aller casser la gueule à l’agresseur, lorsque vous entendrez les histoires des survivants mais n’oubliez jamais IL NE S’AGIT PAS DE VOUS. Ne faites pas regretter à la victime de vous avoir raconté son histoire.

Armez-vous de sagesse et de force intérieure pour arriver à discerner et à avoir l’attitude la plus salutaire face à une victime.

Demandez à la victime ce que vous pouvez faire pour l’aider. Pour s’ouvrir à vous, la victime devra vous faire confiance et vous, vous devez mériter cette confiance et vous en montrer digne.

Sachez que rarement une victime admettra avoir besoin d’aide. Elle vous dira qu’elle est forte. Elle essaiera même parfois de vous dissuader de faire quoi que ce soit mais apprenez à reconnaître les signes extérieurs d’une souffrance intérieure.

Soyez présent. Soyez effectivement présent en lui offrant une oreille attentive et en pratiquant une écoute active. Ne lui coupez pas la parole chaque fois qu’elle parle pour l’interrompre, pour poser une question.

Ne l’obligez pas à parler si vous sentez qu’elle n’est pas prête à la faire. Ne forcez pas si vous voyez qu’elle n’a plus de force.

Ne vous emportez pas, ne vous impatientez pas quand elle met du temps à parler. Si vous lui montrez qu’elle vous perd le temps, elle ne vous dira plus rien ou ne vous donnera pas les détails qui peuvent vous donner des éléments de preuve.

Soyez patient.

Si vous voyez que vous ne pouvez pas aider parce que vous n’avez pas les compétences d’un psychologue, ayez l’humilité de le reconnaître et en attendant d’orienter la victime vers des experts, faites des recherches sur le cas, la typologie de la violence, ses conséquences et la réaction à adopter.

Rassurer

Ne brusquez pas la victime. Ne la jugez pas. N’employez aucun mot qui puisse lui faire croire que vous l’accusez d’être responsable de ce qui lui est arrivé, elle se sent déjà assez coupable vous que vous en rajoutiez. Ce dont elle a besoin, c’est d’être écoutée si elle a envie d’en parler ou si elle refuse d’en parler, que vous respectiez son silence, que vous écoutiez son silence vous parler à travers ses larmes.

Il faut savoir qu’une personne victime de violences est émotionnellement détruite. Et le processus de reconstruction commence déjà avec vous.

Protéger 

…Et rassembler des preuves: Une personne victime de violences surtout quand elles sont sexuelles se sent sale. Il n’est pas rare que ses douches prennent une éternité. Elle se frotte la peau jusqu’à la chair dans certains cas….sauf que cette première douche peut effacer toute preuve compromettant ainsi l’arrestation de son violeur. Ayez à l’esprit de recueillir le maximum de preuves que vous pouvez. Idéalement, vous devriez pouvoir convaincre la victime de se rendre à l’hôpital pour des prélèvements. Conservez ses vêtements, tout ce qui peut constituer des preuves contre l’agresseur, le tout dans le plus total respect de la dignité et de l’honneur de la victime. Prenez des photos si vous le pouvez de ses bleus, de ses plaies en vue d’une future plainte.

Mais il faut savoir que certaines victimes choisissent le déni. C’est d’ailleurs pour cette raison que la plupart d’entre elles préfèrent se terrer dans le silence et ne dénoncent pas leurs bourreaux. Garder leur agression secrète est une façon pour elles de se protéger de tous les regards haineux et accusateurs de la société. Aucune victime n’a envie d’être aux yeux de tous la personne violée, celle qui l’aurait cherché un peu quand-même, qui n’a eu que ce qu’elle mérite. Le déni est un mécanisme d’auto-défense. Ne soyez pas surpris si une victime perd la mémoire. L’amnésie peut être partielle ou totale. La victime ne fait pas exprès de ne plus se souvenir de ce qui lui est arrivé, elle peut vraiment ne plus se souvenir de rien.

En tout état de cause, il faut garder à l’esprit que la préservation la dignité de la victime et le respect de sa douleur. Chaque fois qu’il lui sera demandé de raconter son agression, ce sera comme remuer le couteau dans la plaie et une façon de s’exposer. C’est pourquoi dans le processus de prise en charge, il faut veiller à préserver la victime en évitant de multiplier le nombre de personnes auxquelles elle devra raconter son histoire.

Généralement les victimes ou survivantes ne portent pas plainte par peur de représailles ou de la qualité de leur futur.

Accompagner vers des structures de prise en charge

Les structures de prise en charge des violences existent mais sont encore largement insuffisantes et ne disposent pas de tous les moyens pour la prise en charge des victimes. Cela suppose que vous les connaissiez d’où l’importance de leur vulgarisation et de leur multiplication.

Une étude a été réalisée en 2008 sur les Violences Basées sur le Genre (VBG). On y trouve la cartographie des structures intervenant dans le domaine des VBG en Côte d’Ivoire.

Il faut savoir que la prise en charge est PLURIDISCIPLINAIRE et met en scène plusieurs domaines que sont la santé, la psychologie, le social, le juridique et le judiciaire.

Dans le cas spécifique du viol, il faut convaincre la victime à se rendre à l’hôpital pour être prise en charge de toute urgence. Si le violeur n’a pas utilisé une protection, un protocole de prévention du VIH devra être mis en œuvre. Test de dépistage, pilule du lendemain pour éviter une grossesse issue d’un viol, mise sous traitement ARV (anti rétro viral). Le patient est dépisté et mis sous traitement pendant trois mois avant d’être de nouveau testé.

Le risque d’attraper le VIH ou d’une grossesse sont autant d’arguments de taille auxquels vous pouvez avoir recours pour convaincre une victime de se rendre à l’hôpital mais attention, il ne s’agit pas de l’effrayer mais de lui faire comprendre que c’est pour son bien et que c’est pour la protéger. Une victime qui se sent protégée par vous vous fera confiance.

Réseaux sociaux et protection des victimes

A l’heure des réseaux sociaux, il y a une libération de la parole. Des cas de violences qui auraient par le passé, été passés sous silence sont dénoncés mettant fin à l’impunité grâce à la pression des internautes. Mais internet est un couteau à double tranchant. Dans le feu de l’action, il ne faut pas oublier que nous avons une responsabilité immense qui est de protéger toutes les victimes d’abus.

En prenant des photos, en enregistrant des audios, en postant sur internet, il faut garder ce mot à l’esprit : PROTÉGER.

Toute violence est une urgence pour la victime appelée à juste titre survivante.

Pour aller plus loin

Violences sexuelles et conjugales faites aux femmes et aux filles : quel regard porter sur la société ivoirienne ? Sylvia APATA, Juriste, Experte en Droits de l’Homme, Spécialiste des droits des femmes en Afrique : à lire ici.

CRISE ET VIOLENCES BASÉES SUR LE GENRE EN COTE D’IVOIRE: RÉSULTATS DES ÉTUDES ET PRINCIPAUX DÉFIS OCTOBRE 2008 : consultable ici.

Tchewôlô, femme noire, femme du monde parlons d’elles !

N’oubliez pas les consignes d’hygiène : se laver les mains fréquemment avec de l’eau et du savon, portez un masque de protection. Tousser dans le creux de votre coude. Respectez les un mètres ou plus entre vous. Un peu de discipline nous aidera à éradiquer cette maladie.

SORTEZ COUVERTS ET FAITES L’ESSENTIEL !

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